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SOOKRE … SOOKRE ? … SOOKRE !!!

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Au cours des ateliers du Tanzkongress de Ouagadougou, en décembre 2019, les échanges ont été nombreux, riches et ont accueilli les réflexions et positionnements des participants face aux nombreuses problématiques abordées, notamment celles liées aux projets artistiques et culturels menés dans le cadre de la collaboration Nord/sud et au projet Africa 2020.

La contribution qui suit est une synthèse de la réflexion menée par Sada DAO, scénographe burkinabé, au cours de ce temps d’échanges mais reflète plus largement, la réflexion depuis de nombreuses années par cet artiste, acteur important de la scène artistique burkinabé et ouest-africaine.

Sookre  …          

Questionner  …

                     

               … Questionner le monde autour de soi

Questionner les autres …

                      … Se questionner

Questionner … L’acte de questionner est fondamental. Il est constituant de tout être vivant, de tout être en devenir, qui devient et qui deviendra.

Questionner participe de la structuration d’un individu, de notre structuration, de la plus intime partie de nous-même.

On échange,

     on écoute,

          on noue des relations,

               on bouge,

                    on change, …

                                                                  On vit…

On questionne …

 

Depuis le plus jeune âge …

… pour comprendre notre environnement. C’est le temps de l’engagement, sans appréhension, dans cet inexploré, cet inattendu pour apprendre, se repérer, comprendre, découvrir.

Qui ?                       Quoi ?                 Où ?                   Quand ?             Pourquoi ?                 Pour quoi faire ?                 Comment ? …

ponctuent ce temps de construction et d’appréhension du monde.

 

Au cours de la vie …

              … pour comprendre les relations aux autres et leurs dynamiques.

              … pour se comprendre, comprendre ses valeurs, ses représentations et décisions pour progresser, ... en quête de sens.

                                                                                                                                                                       … jusqu’à ses confins.

 

Et puis, il y a aussi ce temps de la projection, celui au cours duquel, envisager le « Et  si … ? » hypothétique, permet d’entrer dans une dynamique de mouvement des situations problématiques, de mettre en perspective et de s’engager dans le processus créatif.

C’est s’ouvrir à de nouveaux autres, à de nouveaux ailleurs, considérer d’autres points de vue, proches, lointains, différents, …

 

Questionner a donc une place naturelle, légitime et fondamentale, au cœur du travail de l’artiste :  

Questionner

     le texte, les mots, les silences, les gestes …

          l’espace à construire, à voir, …

               les temps du récit, de l’action, …

                    l’autre, les autres, les liens, leurs dynamiques, …

 

Le questionnement est multiple et protéiforme, simple et complexe, variable selon les projets, les rencontres, les participations, les démarches, les pays, …

 

                                                                                  Questionner est donc vivant, dynamique !

 

Et quoi de plus vivant que la scène artistique burkinabé, émergente, bouillonnante d’idées, d’idées innovantes, créatives, engagées ?! Quoi de plus incontournable depuis une vingtaine d’années que cette scène artistique qui suscite l’envie, le désir, l’attrait des artistes des pays avoisinants.

 

     Elle questionne donc, …

          Elle se questionne …

 

Francisco Varela a montré avec le dialogue questionnant qu’il a nommé la boucle perception-action que :

« Pour agir, il faut percevoir. Pour percevoir, il faut agir. Pour questionner, il faut percevoir. Pour percevoir, il faut questionner. »

 

                                                                                                 Agir et questionner …

                                                                                                 Questionner et agir …

                                                                          L’un indissociable de l’autre, l’autre signifiant de l’un.

 

Questionner c’est faire émerger et signifier l’existence d’une situation problématique. C’est adresser à ses interlocuteurs (co-auteurs, artistes, partenaires, financeurs, producteurs, …) une demande d’aide, de dialogue, de réflexion commune. Et comme l’a exprimé F. Quinche, c’est également un « don », celui de la parole adressée, de la considération et de la confiance accordées.

 

C’est aussi demander à l’autre, aux autres, de s’emparer de ces interrogations formulées afin de mener une réflexion conjointe et de proposer, donner, ensemble, des éléments de réponses ou des solutions.

 

C’est assurer un dialogue permanent et réciproque entre les membres d’un même ensemble, afin que chacun en assure l’équilibre, un équilibre intelligent. C’est une demande d’engagement, actif.

 

Aussi, questionner est-il une forme de résistance, de militantisme car cet acte convie, parfois exhorte, les uns et les autres, à la mise en branle d’un mouvement, d’une réaction, voire d’une action pour s’emparer des problématiques identifiées, qui soit n’ont pas encore trouvées de solutions ou qui n’avaient pas trouvé place dans le paysage politique et culturel actuel.

                                                                         A questionner et chercher, on construit, on crée, on progresse …

 

Inscrits dans ce cadre général de pensée et de réflexion, nombreux ont été les points de questionnement soulevés pendant les ateliers du Tanzkongress. Quatre grandes thématiques ont émergé et méritent qu’un temps de développement et d’approfondissement leur soit accordé : les artistes d’Afrique au sein des projets artistiques liés à la coopération internationale, les politiques migratoires européennes et les déplacements des artistes d’Afrique, la place des langues régionales dans le « dire » et le « se dire » artistique et enfin les pratiques artistiques comme terrains propices à l’innovation et la recherche.

 

          Incessante succession,

               rapide enchainement,

                    complexité

 des questions ont pour vocation d’interpeller, de bousculer les interlocuteurs quant à l’importance de penser et repenser la situation, et à la nécessité de co-construire et créer des réponses, en adéquation avec un dynamisme artistique africain contemporain.

 

 

Artistes du continent africain et coopération internationale : places et dynamismes

Quelle est la représentation des artistes africains dans les lieux culturels européens ? Qui sont ces artistes ? D’où sont-ils originaires ? Où vivent-ils ?

Qui sont les artistes originaires d’Afrique présents et invités dans les productions, co-productions artistiques et culturelles internationales et inter-continentales ?

Quelle place occupent-ils dans le paysage artistique et culturel des pays d’où ils sont originaires ?

Quelles solutions et recherches de cohérence peuvent être mises en place concernant l’attribution et l’obtention des bourses de développement artistique et ceux des visas ?

En quoi la question de la mobilité Sud/Nord est-elle intimement liée et participe d’une vision parcellaire de la créativité et de l’inventivité des artistes africains ?

En quoi la mobilité des artistes du Nord vers le Sud est également à interroger du fait de son caractère inégal face à la situation des artistes du Sud ?

 

Artistes en mouvement et politiques internationales du déplacement

Pourquoi et en quoi est-il nécessaire d’interroger la question de la mobilité des artistes nord/sud dans le cadre de projets artistiques et culturels co-produits pays européens/pays africains?

Les politiques migratoires et les politiques de circulation des biens, des personnes et des idées ont-elles des influences sur la visibilité de la vitalité, du dynamisme et de l’innovation des projets artistiques africains ?

Comment les critères de délivrance de visas par les ambassades européennes jouent-elles un rôle sur les démarches créatrices des artistes africains ? Quelles solutions pourraient être construites, au niveau des états africains et européens pour limiter les « fuites » de certains et ne pas entraver la circulation d’autres ?

Quand les politiques s’empareront-ils réellement des politiques culturelles locales pour envisager des solutions pérennes, et favoriser le voyage des artistes du Sud vers le Nord?

Quelles sont les conséquences des politiques migratoires des pays européens sur la représentation (sous-représentation ou sur-représentation) des artistes du continent africain en Europe ?

Comment les politiques migratoires et les politiques de circulation des biens et des personnes influencent la représentativité des artistes originaires d’Afrique dans les institutions culturelles et artistiques européennes et mondiales ?

De quelles façon ces mêmes politiques migratoires et de circulation des personnes influencent-elles les co-productions artistiques (en fonction de la détention ou non de documents de circulation (passeport, visa, …) ?

Les partenaires du nord sont-ils réellement « libres » de choisir leurs partenaires du continent africain en regard des politiques migratoires et de circulations des pays du Nord ? N’y a-t-il pas un certain nombre de freins conscients ou non au choix de certaines collaborations ?

 

Les langues régionales et maternelles d’Afrique : Dire et se dire au cœur du co-construire d’Africa 2020

Africa 2020 est un dispositif né à l’initiative du président français, Emmanuel Macron et dédié aux 54 pays d’Afrique. Construit autour de la question de l’innovation dans cinq domaines fondamentaux de la société (l’économie, les sciences, les technologies, l’entreprenariat et les arts) et avec pour fil conducteur l’éducation et la transmission des savoirs, il a pour objectif de recueillir « les points de vue de la société africaine du continent et de sa diaspora récente », au cours du deuxième semestre 2020, sur l’ensemble du territoire français.

« L'ambition d'Africa2020 est de créer un mouvement d'émancipation global à travers un engagement durable bâti autour des valeurs de la citoyenneté. »

 

Le recours au mooré pour échanger et co-construire ... :

 

L’idée de favoriser le panafricanisme dans le cadre d’Africa 2020 et de l’inscrire comme élément fondamental de la co-production afin d’empêcher toute forme de nationalisme et/ou de régionalisme ne conduit-il pas de fait à un biais européano-centré ??

Le recours aux langues européennes comme langues de communication entre participants et langues de co-construction des projets (anglais, français, allemand, …) n’est-il pas un biais culturel qui au lieu de favoriser l’inter-compréhension, l’échange et le recueil de propositions, limiterait l’accès des partenaires européens à l’univers de représentation du monde de leurs partenaires du continent africain, inscrit dans le recours même aux langues nationales et/ou régionales ?

 

Les Arts : terrains propices à l’innovation et la recherche

Comment poursuivre et enrichir et pérenniser les échanges menés dans le cadre de rencontres telles que Tanzsalon et Tanzcongress (ou les ateliers de la pensée) ?

Quelles structures nouvelles sont à organiser et mettre en place (assises ?) afin de développer ces moments de partage et de réflexion qui permettent de faire avancer les débats ?

Quels moyens développer pour mettre les arts en étroite relation avec les autres domaines de la vie sociale et d’en faire des médias de réflexion et d’actions politiques efficaces ?

Comment facilité l’intercompréhension des problématiques rencontrées par les différentes sphères de la société en créant de nouveaux lieux de rencontre où les arts vivants et plastiques tiendraient place ?

 

 

                                                                          La scène artistique burkinabé questionne donc, …

                                                                                               Elle se questionne …

 

                                                                A questionner et chercher, on construit, on crée, on progresse …

 

        Sada DAO

         Artiste scénographe  burkinabé, créateur de projets d’arts dans l’espace public

Francisco Varela : Neurobiologiste chilien

Quinche, F. (2005). La délibération éthique: contribution du dialogisme et de la logique des questions. Paris, France : Éd. Kimé

[https://www.pro.institutfrancais.com/fr/offre/africa-2020]

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